Création Émission Création mondiale sur France Musique par
Anne Gastinel, Héloïse Luzzati, Xavier Phillips & Patrick Langot, violoncelles
Cette œuvre pour quatuor de violoncelles, librement inspiré du chef-d’œuvre satirique de George Orwell, La Ferme des Animaux, propose une fresque musicale en cinq tableaux, retraçant la naissance, l’ascension et la chute d’une utopie À travers une écriture ciselée, tantôt onirique, tantôt brutale, elle explore les mécanismes insidieux du pouvoir et les dérives totalitaires — politiques, idéologiques ou sociales. L’argument original d’Orwell, riche en métaphores et en symboles, trouve ici une résonance aiguë avec notre époque contemporaine.
Le premier tableau, Songe, s’ouvre dans une atmosphère feutrée, presque suspendue. Des motifs répétitifs, une texture épurée et des harmonies aériennes dessinent les contours d’un idéal encore flou : celui d’une société juste et égalitaire. Le motif principal – Animal Farm – émerge discrètement, chargé d’espoir mais empreint de questionnements.
Révolte marque un basculement : l’énergie s’y déploie en vagues puissantes, les rythmes se tendent, la dynamique s’amplifie jusqu’au paroxysme. Le motif principal, désormais plus affirmé, se teinte d’une fureur chaotique, porté par un contrepoint dense, des polyrythmies et des mesures asymétriques, et traduit l’exaltation et les tumultes de l’insurrection. Un ostinato de jeux de percussions conclut la section, évoquant la rupture brutale avec l’ancien ordre et l’avènement d’un nouveau régime.
Commandement s’ouvre dans une solennité toute rigide. Le motif Animal Farm devient autoritaire, implacable. La musique s’accélère vers un Presto frénétique, où se superposent polyrythmies et contrepoints, révélant les tensions internes et les contradictions du pouvoir établi.
Le tableau suivant, Tyrannie, plonge l’auditeur dans une noirceur diffuse. Des harmoniques flottantes, percussions sur le bois, jeux derrière le chevalet, échos de guitares électriques, tout concourt à peindre une ambiance d’oppression latente. La violence éclate en un tourbillon rythmique effréné, incarnation sonore de la répression et de la perte de liberté.
Enfin, Résignation referme le cycle sur un choral méditatif. Le motif Animal Farm y revient, transfiguré, teinté de mélancolie et de désillusion. La texture s’apaise peu à peu, laissant place au silence et à l’incertitude, une fin ouverte qui questionne plus qu’elle ne conclue. Le rêve s’est éteint – ou peut-être attend-il simplement de renaître.
« All are Equal – But some more than others » – George Orwell